N'oublie jamais by Jay Kristoff

Auteur:Jay Kristoff [Kristoff, Jay]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: De Saxus
Publié: 2020-11-03T23:00:00+00:00

Le sommeil mit longtemps à venir, et Mia se réveilla avant la sonnerie des cloches – elle fixait déjà les murs lorsque celles-ci retentirent. Déterminée à retrouver de la force dans son bras, elle fit de l’exercice : des pompes au pied de son lit, des tractions sur la porte. Son coude ne tarda pas à se rebeller, mais la jeune femme insista jusqu’à ce que des larmes commencent à lui monter aux yeux. Elle finit par s’effondrer par terre, hors d’haleine, en traitant Solis de tous les noms en son for intérieur.

Elle se glissa hors de sa chambre et prit la direction des bains publics. Alors que la jeune femme passait devant les appartements d’un autre disciple, lui parvint un fracas de verre brisé. Elle s’arrêta devant la porte ; le tapage se poursuivait à l’intérieur.

« … ceux qui fourrent leur nez dans les affaires d’autrui ont tendance à le perdre…

— Traite-moi de curieuse si ça te chante.

— … tu as entendu ce qu’il a fait au chat… »

Mia se pencha, colla son oreille contre le bois.

La porte s’ouvrit – et Mia sursauta en arrière. Là, dans la pénombre, se trouvait Chut. Les yeux rouges. La peau pâle. Son beau visage strié de larmes. Torse nu, il transpirait sous l’effort. Un chaos sans nom régnait dans la pièce : des tiroirs renversés et jetés contre le mur, une literie lacérée. Mia toisa le garçon de haut en bas. Un corps souple, bien musclé. Une poitrine imberbe. À part quelques contusions aux poignets, il ne gardait aucune séquelle des tortures que Marielle et Adonaï lui avaient infligées.

Lui-même la dévisageait, lèvres pincées. Il y avait de la fureur dans ses yeux.

« Mes excuses, Chut, dit Mia. J’ai entendu des bruits. »

Chut resta muet. Immobile.

« Est-ce que ça va ? »

Aucune réponse. Juste un regard froid, maculé de larmes. Elle se remémora à quoi il ressemblait la veille – sa tête rejetée en arrière, ses lèvres qui se détachaient de gencives édentées. Cela expliquait-il pourquoi il ne parlait jamais ? Comment avait-il perdu toutes ses dents ? Les avait-il arrachées lui-même afin de payer son entrée dans l’Église ?

Tous deux se tenaient là, indécis – ni l’un ni l’autre ne paraissant désireux de bouger. Le silence faisait davantage de bruit que les cloches de la non-nuit à l’autre bout de Sepulcra.

« Je suis désolée, se risqua Mia. Pour ce qu’ils t’ont fait. C’était cruel. »

Le garçon inclina un peu la tête. Haussa presque imperceptiblement les épaules.

« Si jamais tu veux en parler… »

Chut la gratifia d’un sourire sans joie.

« Je veux dire… » Mia s’agita légèrement. « Écris-le. Si tu en as envie. Je suis là. »

Le garçon la fixa droit dans les yeux. Puis lui claqua la porte au nez d’une chiquenaude de son poignet blessé – la jeune femme évita de justesse un autre nez cassé. Elle glissa les pouces dans sa ceinture et haussa les épaules.

« … eh bien, ça s’est passé à merveille…

— On ne peut pas me reprocher d’avoir essayé, fit-elle en repartant dans le couloir d’un pas traînant.

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